Cité
du Vatican, 28 novembre 2014 (VIS). Pour son sixième voyage
apostolique, le Saint-Père a quitté ce matin Rome à destination
d'Ankara. A l'instar de ses prédécesseurs, il entend lui imprimer
un caractère principalement oecuménique car la Turquie a une place
à part au plan géographique, mais aussi pour les Papes. A l'annonce
de son élection, les autorités turques définirent Jean XXIII "le
premier Pape turc de l'histoire". Il est vrai que Angelo
Roncalli avait laissé un souvenir très positif de son séjour de
1935 à 1944 comme Délégué apostolique. En 1967 ensuite, Paul VI
fut le premier à y effectuer un voyage officiel, en corollaire à sa
visite historique en Terre Sainte. Ce fut le tour de Jean-Paul II en
1979 puis de Benoît XVI en 2006.
Après
trois heures de vol, l'avion papal a atterri dans la capitale turque
à 13 h locales (midi heure de Rome). Après la brève cérémonie
d'accueil, il s'est rendu au centre d'Ankara pour s'incliner devant
le tombeau de Mustafa Kemal, dit Atatürk, le Père des Turcs (2881 -
1936), premier Président de la République et créateur de l'état
moderne. Après avoir déposé une couronne de fleur et signé le
livre d'or du mausolée, le Pape a gagné le nouveau palais
présidentiel, où il s'est entretenu en privé avec le chef de
l'Etat M.Recep Tayyip Erdogan. Au livre d'or du mausolée, le Pape
François a écrit: "Mes voeux les plus sincères afin que la
Turquie, pont entre deux continents, ne soit pas qu'un carrefour mais
aussi un espace de rencontre, de dialogue et de paix entre hommes et
femmes de toute ethnie, culture et religion". Dans celui de la
présidence: "Puisse le Tout Puissant concéder paix et
prospérité au peuple turc. Puisse ce pays être tout entier une
aire de coexistence pacifique entre cultures et populations, dans
laquelle chacun se sente protégé dans sa dignité et soit libre de
professer sa foi librement". Avant de s'entretenir avec le
nouveau Premier Ministre, il s'est adressé aux corps constitués:
Saluant
dans la Turquie un creuset de civilisations "et
un pont naturel entre deux continents et entre différentes
expressions culturelles, le Pape a dit que cette terre est
particulièrement chère aux chrétiens pour avoir donné le jour à
saint Paul, qui y a fondé diverses communautés, pour avoir hébergé
les sept premiers conciles de l’Église, et pour la présence, près
d’Ephèse, de ce qu’une vénérable tradition considère comme la
maison où la mère de Jésus aurait vécu. Mais les raisons de la
considération et de l’estime que je porte à la Turquie sont aussi
à chercher "dans la vitalité de son présent, dans l’ardeur
au travail et la générosité de son peuple, dans son rôle dans le
concert des nations. C’est pour moi un motif de joie d’avoir
l’opportunité de poursuivre avec vous un dialogue d’amitié,
d’estime et de respect, dans le sillage de celui entrepris par mes
prédécesseurs... Nous avons besoin d’un dialogue qui
approfondisse la connaissance et valorise avec discernement les
nombreuses choses qui nous unissent, et en même temps nous permette
de considérer les différences avec un esprit sage et serein, pour
pouvoir aussi en tirer un enseignement. Il faut poursuivre avec
patience l’engagement à construire une paix solide, fondée sur le
respect des droits fondamentaux et des devoirs liés à la dignité
de l’homme. De cette manière, les préjugés et les fausses
craintes peuvent se dépasser et s’ouvre au contraire un espace à
l’estime, à la rencontre, au développement des énergies les
meilleures au bénéfice de tous.
A
cette fin, il est fondamental que les citoyens musulmans, juifs et
chrétiens, tant dans les dispositions des lois que dans leur
application concrète, jouissent des mêmes droits et respectent les
mêmes devoirs. De cette manière, ils se reconnaîtront plus
facilement comme frères et compagnons de route, en éloignant
toujours davantage les incompréhensions et en favorisant la
collaboration et l’entente. La liberté religieuse et la liberté
d’expression, efficacement garanties à tous, stimuleront la
floraison de l’amitié, en devenant un éloquent signe de paix. Le
proche et le moyen Orient, l’Europe et le monde attendent cette
floraison. Le Moyen-Orient, en particulier, est depuis trop longtemps
le théâtre de guerres fratricides, qui semblent naître l’une de
l’autre, comme si l’unique réponse possible à la guerre et à
la violence devait toujours être une nouvelle guerre et une autre
violence. Pendant combien de temps encore cette région devra-t-elle
souffrir du manque de paix? Nous ne pouvons pas nous résigner à la
continuation des conflits comme si une amélioration de la situation
n’était pas possible. Avec l’aide de Dieu, nous pouvons et nous
devons toujours renouveler le courage de la paix. Cette attitude
conduit à utiliser avec loyauté, patience et détermination tous
les moyens de négociation, et à atteindre ainsi des objectifs
concrets de paix et de développement durable. Pour atteindre
un tel objectif, une contribution importante peut venir du dialogue
inter-religieux et interculturel, de manière à bannir toute forme
de fondamentalisme et de terrorisme, qui humilie gravement la dignité
de tous les hommes et instrumentalise la religion.
Pour
cela il faut opposer au fanatisme et au fondamentalisme, aux phobies
irrationnelles qui encouragent incompréhensions et discriminations,
la solidarité de tous les croyants, ayant pour piliers le respect de
la vie humaine, de la liberté religieuse qui est liberté de culte
et liberté de vivre selon l’éthique religieuse, l’effort de
garantir à tous le nécessaire pour une vie digne, et la protection
de l’environnement naturel. C’est de cela qu’ont besoin, avec
une urgence particulière, les peuples et les états du proche et
moyen Orient, pour pouvoir finalement inverser la tendance et
poursuivre avec succès un processus de pacification par le rejet de
la guerre et de la violence, ainsi que par la recherche du dialogue,
du droit et de la justice. Malheureusement nous sommes encore témoins
de graves conflits. En Syrie et en Irak, en particulier, la violence
terroriste ne semble pas s’apaiser. On enregistre la violation des
lois humanitaires les plus élémentaires à l’encontre des
prisonniers et de groupes ethniques entiers. Il y a eu, et ont lieu
encore, de graves persécutions aux dépens de groupes minoritaires,
notamment chrétiens et les Yézidis. Des centaines de milliers de
personnes ont été contraintes à abandonner leurs maisons et leur
patrie pour pouvoir sauver leur vie et rester fidèles à leur credo.
La Turquie, en accueillant généreusement un grand nombre de
réfugiés, est directement impliquée à ses frontières par les
effets de cette dramatique situation, et la communauté
internationale a l’obligation morale de l’aider à prendre soin
des réfugiés. Avec la nécessaire assistance humanitaire, on ne
peut pas rester indifférent face à ce qui a provoqué ces
tragédies. En répétant qu’il est licite d’arrêter l’injuste
agresseur, cependant toujours dans le respect du droit international,
je veux aussi rappeler qu’on ne peut confier la résolution du
problème à la seule réponse militaire. Un engagement commun fort,
fondé sur la confiance réciproque, est nécessaire, qui rende
possible une paix durable et permette de destiner finalement les
ressources, non aux armements, mais aux vraies luttes dignes de
l’homme, celle contre la faim et les maladies, celle pour le
développement durable et la sauvegarde de la création, contre de
nombreuses formes de pauvreté et de marginalité qui ne manquent pas
dans le monde moderne.
La
Turquie, par son histoire, en raison de sa position géographique et
à cause de l’importance qu’elle revêt dans la région, a une
grande responsabilité. Ses choix et son exemple possèdent une
portée spéciale et peuvent être d’une aide importante en
favorisant une rencontre de civilisations et en indiquant des voies
praticables de paix et d’authentique progrès. Que le Très Haut
bénisse et protège la Turquie et l’aide à être un artisan de
paix efficace et convaincu!".